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    Le Parnasse

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    Messages : 100
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    Le Parnasse Empty Le Parnasse

    Message par Admin Ven 5 Juin 2009 - 19:25

    Le Parnasse


    En septembre 1857, alors que vient de paraitre "Madame de Bovary", chef d'oeuvre du roman réaliste, Théophile Gautier publie dans "L'Artiste" un poème-manifeste, intitulé "L'Art", qui témoigne de la rupture consommée avec le romantisme de la génération précédente et des options nouvelles du mouvement dit, précisément, de "l'art pour l'art". Il est significatif que ce soit de l'intérieur même du mouvement romantique, en la personne de Gautier, vieux militant de la première heure, que soit venue la contestation, ou la "réaction" si l'on préfère. Dans sa "Comédie de le Mort" (1838) et surtout dans "España" (1845) Gautier s'était imposé comme l'un des maitres du pittoresque. Or, du simple goût pour la couleur locale dans le poème au primat absolu (NdW: Primat=primauté) du descriptif dans la poétique, il n'y avait qu'un pas, décisif, que Gautier franchit, d'ailleurs avec talent, dans "Emaux et Camées" (1852). Ces petits poèmes à mètres courts, ciselés comme des bijoux, allaient donner le ton à tout un courant poétique, de Théodore de Banville à Léon Dierx, dominé par une sorte de fantaisie plastique où virtuosité devait rimer avec impersonnalité, gratuité et souvent frivolité...

    De "l'art pour l'art" au Parnasse la continuité se fait dans un même primat accordé à la forme sur toute idée de message ou de confidence, et dans le même souci de travailler cette forme jusqu'à sa perfection canonique. Le mouvemement se nourrit cependant de l'apport de tout le courant de pensée positiviste, comme le montrent les déclarations d'intention et les oeuvres de Leconte de Lisle. Ce fils de planteur créole a d'abord aimé, lui aussi, le romantisme engagé de 1830, vers lequel le poussait son enthoutiasme pour les thèses de Fourier ou Lamennais. Mais juin 1848, en sonnant le glas de ses espérances politiques et humanistes, fait de lui un "abstentionniste" de l'histoire. Là ou d'autres, comme Hugo ou Michelet, trouvent matière à mobiliser leurs convictions et leur génie, l'auteur des "Poèmes antiques" et des "Poèmes barbares" trouve refuge dans l'approche "scientifique" d'une histoire morte ou "dépaysée": les civilisations anciennes, l'exotisme tropical, etc... Au service d'une volonté de "réconcilier l'Art et la Science", il met effectivement les ressources de disciplines nouvelles que le positivisme triomphant est en train de consacrer: l'histoire, l'archéologie, la linguistique notamment.

    Si l'on voit bien le risque de glissement constant d'une poésie documentée vers une poésie "documentaire" ou naïvement érudite (risques qui menaça nombre de poètes du groupe constitué dès 1866 autour de la revue "Le Parnasse Contemporain"), on peut toutefois généraliser cette obsession scientifique et cette menace. La disparate est en effet de mise dans ce regroupement de grands (Leconte de Lisle, Banville, Heredia) et de moins grands poètes (Coppée, Mendès, Sully Prudhomme, etc), auxquels il faut adjoindre les collaborations occasionelles de "modernes", comme Baudelaire, Verlaine ou Mallarmé. Cela dit, quatre convictions majeures regroupent autour de leurs chefs de file les poètes de la génération "formaliste". Quatre convictions qui peuvent être formulées comme autant de griefs à l'endroit d'un romantisme dont beaucoup ont pourtant gardé une évidente nostalgie: - Contre les excès du Moi, le recours à l'impersonnalité - Contre la contigence et l'artificiel, une mystique de la beauté - Contre la "facilité" et les licences, le culte du travail - Contre les "vanités" de l'engagement, la prudence, la distance ou la hauteur. Même s'ils s'imposent souvent de circonscrire l'élan de leurs émotions à la dimension d'un bel objet et de situer leurs sentiments dans le cadre de grands thèmes ou sujets qu'ils imaginent "éternels", les meilleurs d'entre eux ne sacrifieront pas l'authenticité de leur être au dogme ou à la "farce" d'une impersonnalité absolue. La meilleure preuve en est qu'au sein du groupe du Parnasse, il exista autour de Coppée et de Mendès, avec des gens comme Dierx, Mérat, Valade ou Lemoyne, un fort courant d'inspiration intimiste. Tous en revanche s'accordent à penser que l'émotion doit se soumettre à la loi de la forme, elle-même comprise comme exigence du Beau. Là encore le Parnasse est en réaction contre un romantisme qu'il accuse d'avoir oublié, comme le redira Baudelaire après Leconte de Lisle, que "la moralité d'une oeuvre d'art c'est sa beauté". Aussi verra-t-on les Parnassiens s'atteler, avec plus ou moins de bonheur, à l'expression d'une Beauté absolue, transcendante, dans la perfection et l'évidence d'une forme idéale. De le "Symphonie en blanc majeur" de Gautier, aux "Trophées" de Heredia, la voie est clairement tracée. Mais pour quelques réussites somptueuses, combien d'essais n'aboutiront à rien d'autre qu'à cet "effet Parnasse"!

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