La Grande Rhétorique
On a longtemps considéré qu'entre François Villon, dernier des poètes "moyenâgeux",
et Clément Marot, premier poète de la Renaissance, s'étendait un grand vide
d'environ un demi-siècle. C'est que la littérature, et plus particulièrement la
poésie, qui fleurissent à cette époque, ne correspondaient pas à la conception
que le XIXème siècle se faisait de la littérature et de la poésie. Plus de lyrisme,
du moins en apparence; pas de sincérité, pas de confidences personnelles. Au
contraire, des pièces extrêmement raffinées sur le plan formel, des recherches
très élaborées au niveau de la syntaxe, des jeux de mots, des rimes travaillées
à l'infini, tout cela mis au service d'un contenu qui semble banal, et répétitif:
louange du prince, du protecteur, éventuellement des saints ou de la Vierge.
Pourtant, ceux que l'on a baptisés improprement les Grands Rhétoriqueurs sont
les témoins d'une époque qui découvre avant tout l'instrument admirable que peut
être sa langue. La Grande Rhétorique est une fête du langage, peut-être conçu
comme refuge et vraie valeur en un temps où la réalité politique et économique
n'est guère plus alléchante que durant la guerre de Cent Ans. Le Grand Rhétoriqueur
est avant tout un homme conscient de sa valeur en tant que "professionnel". Il
n'est plus clerc, comme la plupart de ses prédécesseurs, et l'horizon de la
religion n'apparait qu'accessoirement dans son oeuvre. Sa spécialité, c'est le
poème de circonstance. Nul n'est plus que lui à même de percevoir la vanité des
thèmes qui lui sont imposés. La notion de "senefiance" inaugurée par Chrétien
de Troyes n'a plus cours à ses yeux. En revanche, son intérêt pour les recherches
formelles, la virtuosité technique, s'accroît en même temps qu'il redécouvre
les traités de rhétorique latine et les ressources de l'art oratoire.
Le poème devient un champ d'expériences sur le langage, et le bon poète est celui
qui maîtrise parfaitement son métier. D'où d'incontestables réussites et, aussi,
des textes-gageures, à peu près imcompréhensibles, et dans lesquels le sens est
réduit au degré zéro. La Grande Rhétorique est le triomphe du "paraître":
d'ailleurs, ses premiers représentants sont des "ministres" de la cour de
Bourgogne, adepte des fêtes et du "grand spectacle".
On a longtemps considéré qu'entre François Villon, dernier des poètes "moyenâgeux",
et Clément Marot, premier poète de la Renaissance, s'étendait un grand vide
d'environ un demi-siècle. C'est que la littérature, et plus particulièrement la
poésie, qui fleurissent à cette époque, ne correspondaient pas à la conception
que le XIXème siècle se faisait de la littérature et de la poésie. Plus de lyrisme,
du moins en apparence; pas de sincérité, pas de confidences personnelles. Au
contraire, des pièces extrêmement raffinées sur le plan formel, des recherches
très élaborées au niveau de la syntaxe, des jeux de mots, des rimes travaillées
à l'infini, tout cela mis au service d'un contenu qui semble banal, et répétitif:
louange du prince, du protecteur, éventuellement des saints ou de la Vierge.
Pourtant, ceux que l'on a baptisés improprement les Grands Rhétoriqueurs sont
les témoins d'une époque qui découvre avant tout l'instrument admirable que peut
être sa langue. La Grande Rhétorique est une fête du langage, peut-être conçu
comme refuge et vraie valeur en un temps où la réalité politique et économique
n'est guère plus alléchante que durant la guerre de Cent Ans. Le Grand Rhétoriqueur
est avant tout un homme conscient de sa valeur en tant que "professionnel". Il
n'est plus clerc, comme la plupart de ses prédécesseurs, et l'horizon de la
religion n'apparait qu'accessoirement dans son oeuvre. Sa spécialité, c'est le
poème de circonstance. Nul n'est plus que lui à même de percevoir la vanité des
thèmes qui lui sont imposés. La notion de "senefiance" inaugurée par Chrétien
de Troyes n'a plus cours à ses yeux. En revanche, son intérêt pour les recherches
formelles, la virtuosité technique, s'accroît en même temps qu'il redécouvre
les traités de rhétorique latine et les ressources de l'art oratoire.
Le poème devient un champ d'expériences sur le langage, et le bon poète est celui
qui maîtrise parfaitement son métier. D'où d'incontestables réussites et, aussi,
des textes-gageures, à peu près imcompréhensibles, et dans lesquels le sens est
réduit au degré zéro. La Grande Rhétorique est le triomphe du "paraître":
d'ailleurs, ses premiers représentants sont des "ministres" de la cour de
Bourgogne, adepte des fêtes et du "grand spectacle".